TEMOIGNAGES scolarité

Karine & Guillaume, parents de Martin

Comment s'est passée la rentrée de Martin?

Nous étions cette année beaucoup plus sereins puisque c'était sa 2e rentrée de maternelle.

Il changeait de classe et donc de maitresse, mais son AESH [accompagnant des élèves en situation de handicap, anciennement AVS, ndlr] et l'école étant identiques cela lui faisait des repères.

Nous étions donc tous les trois très enthousiastes malgré le froid glacial : le jour de la rentrée était vraiment un jour de fête, c'était génial !

Pour être honnêtes on s'est même sentis vraiment privilégiés d'avoir la chance de vivre une rentrée aussi merveilleuse, sans stress, sans angoisse.

On avait préparé deux ans à l'avance son entrée à l'école puis on avait tout ajusté pendant la 1ère année de maternelle et là ...le bonheur, tout était enfin facile.

(Bon, bien entendu tout s'est effondré au bout de quelques jours puisque l'AESH de Martin n'a pas pu poursuivre sa mission et qu'il a fallu remuer ciel et terre pour en retrouver une et ... tout recommencer de zéro mais ça... c'est notre quotidien hélas.)

Pourquoi deux ans à l'avance ?

Nous habitons à la campagne. Il y a des choses beaucoup plus simples, des échanges facilités par la proximité et un pragmatisme "paysan" ancré dans les mentalités. Il n'y a pas besoin de tergiverser des heures en général. Et le maire est un interlocuteur souvent disponible et fédérateur. Notre maire à nous est une femme, intelligente et très empathique... c'est une chance incroyable : elle a été le moteur de tout et surtout elle a fait le pont avec le maire de la commune de scolarisation et la directrice de l'école (également très moteur !).


Malgré le COVID et les élections municipales, on a réussi à réunir tout le monde autour de la table et à faire avancer le sujet. L'AFM Téléthon a également beaucoup aidé puisqu'ils étaient présents lors des réunions et ont beaucoup fait de pédagogie autour du handicap pour rassurer. Enfin nous allions tous les week-end quasiment nous balader à côté de cette école dans laquelle Martin rêvait d'entrer... et à force nous avons fini par avoir croisé tout le monde ! Nos interlocuteurs ont tous été rassurés et volontaires une fois avoir rencontré notre fils "en vrai".


C'était indispensable. Tant que l'enfant est juste une pathologie ou un "dossier" (souvent un problème soyons honnêtes) alors rien ne peut vraiment avancer. Et ensuite dans un village les nouvelles vont vite... Ça peut être très bénéfique !

Mais du coup qu'est-ce qui a été compliqué au final ?

Le seul vrai problème récurrent comme toujours, c'est celui de l'argent : une fois que tout le monde a compris et valide ce qui est nécessaire pour accueillir un enfant porteur de handicap ... alors il faut financer (parfois recruter) et là commence les gros ennuis, la chasse aux subventions, la répartition des responsabilités et donc des prises en charge financières...


Et ça débute en général par financer la venue d'un ergothérapeute à l'école pour définir les besoins matériels et trouver des solutions ! Un bureau, une chaise, une table à langer sur mesure, des toilettes accessibles, une rampe d'accès... tout cela coûte cher pour une petite commune et la mise en accessibilité des ERP [établissements recevant du public, tenus d'être accessibles depuis la loi Handicap de 2005, ndlr] n'a souvent pas encore été réalisée.


D'un coup, il faut tout faire et tout financer avec le réflexe bête "Pfff tout ça pour un seul gamin..."... alors qu'en réalité c'est du matériel et des aménagements qui serviront plusieurs années voire à vie, qui peuvent être mutualisés, partagés ... Quant à la mise aux normes des ERP (lois de 2005-2007) pour qu'ils soient accessibles à toute personne handicapée, ayons l'honnêteté de diviser le coût final par les 15 ans écoulés pour relativiser ce coût...c'est parfois le prix d'un abonnement téléphonique au final !

Le handicap de Martin, comment l'as-tu expliqué ?

En ce qui nous concerne, le meilleur moyen d'expliquer le handicap de Martin c'est d'organiser une vraie rencontre sinon les gens s'en font toute une montagne. L'a priori le plus fort : un gros handicap moteur est forcément associé à une déficience intellectuelle. On a commencé par faire un petit film qu'on a envoyé par courriel, puis on a demandé une rencontre sans Martin, et enfin nous avons présenté notre lardon IRL aux différents interlocuteurs.

C'est un petit gars plein de vie et on comprend tout de suite que si son corps lui fait défaut, tout le reste fonctionne très très bien :)

En résumé, pour une scolarité réussie, c'est ...

S'appuyer sur un interlocuteur unique qui ait le pouvoir et l'envie d'être le moteur du "projet" dans sa globalité.

Réussir à impliquer tout le monde 18 mois à 2 ans à l'avance et partager un planning "raisonnable" pour ne pas effrayer.

Se renseigner sur tous les documents existants : PPS, PAI, GEVAsco etc.. en lire des exemples pour bien comprendre, échanger avec d'autres parents.

Bétonner son dossier MDPH, bien faire remplir son PPS en l'étayant avec des bilans et recommandations de spécialistes (psychomotricien, neuro pédiatre etc...)

Trouver comment financer la venue d'un ergothérapeute au moins 12 mois avant pour détecter tous les freins possibles et les lever avant la rentrée.

Trouver comment financer le matériel ... le point le plus compliqué... Il faut frapper à toutes les portes possibles.

Présenter son enfant dés que possible pour dédramatiser le handicap.

Contacter rapidement l'enseignant référent de l'académie pour ré-expliquer les besoins de votre enfant et... avoir des nouvelles du recrutement de l'AESH...

Demander le plus tôt possible le contact du PIAL [Pôle Inclusif d'Accompagnement Personnalisé] dont dépendra l'AESH de votre enfant.

Organiser régulièrement des points avec l'AESH, l'enseignant et la direction de l'école.

Imaginer le pire... pour profiter du meilleur ! .. et penser à bien remercier tout le monde.

NB : ne pas oublier qu'une réunion sans ordre du jour ni compte rendu sous 24h envoyé à tout le monde c'est ..juste du temps perdu :)

Où demander de l'aide car tout cela est long et complexe...

La mairie, La direction de l'école, un ergothérapeute, La CAF, La MDPH, L'AFM Téléthon, l'UNAPEI, TOUPI, L'UMEH, le CCAS local...

Mais surtout et avant tout : aux parents qui ont déjà traversé cette épreuve avant nous (notre association ou les groupes Facebook).

C'est la clef : ne pas rester seul face à la complexité du processus et profiter de leur expérience.

Le mot de la fin ?

Si je devais résumer vraiment en 2 mots : le problème, c'est toujours l'argent, la solution, c'est toujours les gens.

Surtout n'allez pas tout seul combattre la peur de l'inconnu, le temps "administratif"... l'usure, la fatigue, le chagrin face à l'incompréhension vous rattraperont.

Soyez fort, c'est sans doute le premier mais aussi un des plus gros combat d'un parent d'enfant handicapé et il est déterminant pour l'avenir de votre enfant !

Aujourd'hui, je me bats pour qu'à l'échelle départementale, un fichier recensant tout le matériel disponible sur le territoire (crèches, écoles, ACM, garderies, assistantes maternelles etc...) soit réalisé afin de pouvoir facilement déplacer ce matériel cher mais indispensable selon les besoins avec de simples conventions de prêt.. Cela économiserait du temps et de l'argent à tout le monde. Et beaucoup de parents sont prêts à donner des motilos, des corsets sièges. Tout cela est utilisable si un professionnel derrière vérifie lequel va le mieux et effectue quelques réglages. C'est une goutte d'eau mais un jour ...

Ne lâchez rien, ce que vous faites pour votre enfant ouvre le chemin aux autres.


Flora & Stéphane, parents d'Olivier


Bonjour Flora, quelques mots pour présenter ton fils et vos défis quotidiens ?

Olivier a 4 ans, il est scolarisé cette année en moyenne section de maternelle. L'an passé, il était inscrit en petite section, ce qui fut un tour de force.

Pourquoi ?

Hé bien, comme Olivier se déplace en fauteuil électrique, il nous fallait un véhicule pour le transporter jusqu'à l'école, à 8km de la maison (les sociétés de transport étant trop peu nombreuses et les horaires d'Olivier trop contraignants pour en trouver une qui accepte de faire le taxi, sans compter les contraintes liées à sa fratrie) ainsi qu'un aménagement extérieur pour pouvoir sortir le fauteuil de la maison. En parallèle de ses innombrables hospitalisations en urgence ou programmées, il a donc fallu monter des dossiers pour percevoir des aides couvrant une partie de l'aménagement (la fameuse Prestation de Compensation du Handicap, ou PCH, qui se décline en plusieurs volets, en fonction des besoins), lancer un chantier et emprunter à droite et à gauche pour avancer tout l'argent des travaux mais aussi acheter un véhicule.


Concernant le véhicule, rappelons que les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) ne sont susceptibles de financer que l'aménagement du véhicule, et encore, partiellement dans notre cas, à savoir une partie du décaissement et de la rampe d'accès (manuelle, la moins coûteuse pour nous). Pour le reste de l'aménagement (un ascenseur extérieur), nous sommes encore en train de monter des dossiers auprès d'institutions privées et associations car notre reste à charge après PCH est très important. Nous avons dû trouver environ 60 000 euros et avons effectivement payé de notre poche près de 40 000 euros (dont aménagements "de confort" comme un toit au-dessus de l'ascenseur pour les jours de pluie ou simplement les quelques mètres de l'indispensable allée bétonnée qui vont de l'ascenseur au véhicule). Mais Olivier peut enfin aller à l'école. Au moins théoriquement.

Théoriquement dis-tu, pourquoi cette nuance ?

Pour plusieurs raisons. D'une part, pour des raisons intrinsèques à sa maladie : sa toux n'est pas efficace, chaque encombrement nécessite des gestes lourds et répétitifs pour éviter qu'il ne s'étouffe : kiné respiratoire, utilisation d'un Cough Assist (machine pour désencombrer), d'un percussionnaire, d'un aspirateur à mucosités (qui lui a sauvé la vie d’innombrables fois)...

Quand il est encombré, il vomit aussi plus facilement et risque alors de s'étouffer. Bref, sans rentrer plus avant dans les détails, le scolariser reste vraiment très compliqué. Nous tenons par l'espoir qu'en grandissant, il développe son immunité et soit moins atteint par les rhumes qui l'envoient parfois à l'hôpital.


D'autre part, la scolarisation des enfants en situation de handicap, tout handicap confondu, malgré des effets d'annonces trompeurs, est de plus en plus compliquée. Impossible de résumer la situation en quelques lignes, tant les cas de figure diffèrent. Parfois, le discours de l'inclusion de tous en classe ordinaire masque la fermeture de classes spécialisées qui seraient mieux adaptées à certains enfants mais coûtent cher car elles supposent davantage de personnel formé, etc. ; de manière générale, beaucoup d'enfants handicapés sont très loin d'une scolarisation à temps plein, non parce qu'ils ne peuvent tolérer 24 heures hebdomadaires de classe, mais parce qu'il n'y a pas suffisamment d'AESH (anciennement AVS) pour tous.


Ils se partagent donc un certain nombre d'heures que l'institution dit leur "octroyer" (mot qui revient souvent, y compris dans la bouche des enseignants), alors que légalement, l'attribution d'une AESH est un droit qui découle du modèle politique très étatisé qui prévaut en France (qu'on le plébiscite ou qu'on le regrette). Et plus largement, faut-il rappeler que le droit à l'éducation, comme, au passage, le droit d'être soigné, d'accéder aux lieux de soins, est un droit fondamental reconnu par la Convention internationale des Droits de l'enfant, dont la France est signataire, ce qui l'engage légalement.


Dans notre cas, Olivier pâtit à la fois de la sévérité de sa maladie et du manque de moyens donnés à tous les niveaux pour l'accueillir à l'école (malgré la bonne volonté de celle-ci et de la mairie du village qui l'accueille). Il y a encore un troisième élément, qui alourdit la donne : non seulement, du côté respiratoire, il aurait besoin d'une personne formée et payée pour l'aspirer ponctuellement en cas de rhume (au fond de la bouche ou dans le nez, tout simplement, à l'aide d'une petite sonde, comme un mouche-bébé), mais, du côté nutrition, des instances administratives (chacun se couvre et rejette la faute sur autrui, on me dit que c'est l'interprétation du médecin référent de la MDPH, ou bien du chef du PIAL, le service qui gère les AESH) ont décidé que l'AESH d'Olivier ne pourrait pas toucher à sa pompe d'alimentation lorsqu'il s'agit de le changer.


Il s'agit simplement d'appuyer sur OFF/ON puis de détacher le tuyau de raccordement qui délivre l'alimentation d'Olivier par son bouton de gastrostomie. Nous faisons ce geste de très nombreuses fois par jour, de jour comme de nuit, nous n'avons reçu aucune formation médicale, n'avons jamais travaillé dans le domaine de la santé, c'est un geste très facile, dont je récuse le caractère médical (ou alors, changer une couche est aussi un geste médical). L'estomac n'est pas un milieu stérile, toucher à sa gastrostomie n'est pas plus médical que débarbouiller la bouche d'un jeune enfant, ou donner à manger de manière hygiénique à un nourrisson. Il faut simplement être formé, ce qui se fait en quelques minutes (je ne parle pas de changer son bouton de gastrostomie, mais bien uniquement de manipuler de manière minime le tuyau et l'interrupteur de la pompe).


L'ironie est la suivante : après l'opération chirurgicale consistant à installer le bouton de gastrostomie, nous avons demandé que, pendant quelques semaines, une infirmière puisse passer chaque soir à domicile pour nous aider à gérer le débit, à vérifier le bon positionnement du bouton, à nous conseiller en cas de problème, blocage, interruption, etc. Il nous fut répondu que l'entretien et la manipulation du bouton de gastrostomie, ainsi que la mise en route de la pompe d'alimentation n'étaient pas des actes médicaux. Nous n'avions donc pas besoin d'infirmière. Cette fois, pour bien moins (tout est préréglé et nous savons désormais quel débit convient mieux en fonction de l'état d'Olivier), on nous rétorque qu'il s'agit d'un geste médical. Quelle lâcheté et quelle hypocrisie.



Pourtant, il suffirait de former l'AESH à ces gestes, non ? Les aides à domicile font ce genre de gestes, il me semble ?


Former quelqu'un suppose probablement de mieux le payer que ne le sont les AESH. Et comme elles sont rares, notamment du fait d'une gestion des "ressources" humaines discutable, il s'agit aussi, sans doute, de la part de l'institution qui les recrute, de ne pas les faire fuir. Plus profondément, une culture de la "précaution" (faux nez de la lâcheté), de l’abstention, qui mine de plus en plus les rapports humains et conduit à maltraiter au nom de la protection. Je ne poursuis pas. Tout ceci se fait donc au détriment de la scolarité de l'enfant handicapé. Nous avons tenté de défendre notre point de vue en ESS [équipe de suivi de scolarisation, qui doit se réunir au moins une fois par an pour mettre en œuvre et évaluer le Projet Personnalisé de Scolarisation, ndlr].

Si l'école et l'AESH étaient disposés à apprendre, l'Enseignante référente de la MDPH, se réfugiant derrière ses supérieurs et la notification de la MDPH, a finalement convaincu, par son statut, l'enseignante et l'AESH de n'en rien faire, obligeant, de fait, Olivier à rester dans une couche souillée hors du créneau de passage de l'infirmière. Nous étions pourtant soutenus dans notre démarche par notre référente de l'AFM-Téléthon, qui fait un travail formidable auprès des familles et des différents interlocuteurs de celles-ci.


J'en profite pour citer une circulaire du Ministère de l’Éducation Nationale que, semble-t-il, les médecins qui suivent nos enfants et les personnels enseignants, ne connaissent pas et qui pourra d'abord être utile à tout parent d'un enfant porteur d'une déficience complète en LAMA2 :


"Des gestes techniques spécifiques peuvent être demandés aux personnels chargés de l'aide humaine aux élèves en situation de handicap par la famille, avec l'accord de l'employeur, lorsqu'ils sont prévus spécifiquement par un texte.

Les personnels chargés de l'aide humaine aux élèves en situation de handicap peuvent également procéder à des aspirations endo-trachéales dans le respect des dispositions du décret n° 99-426 du 27 mai 1999 habilitant certaines catégories de personnes à effectuer des aspirations endo-trachéales et de l'arrêté du 27 mai 1999 relatif à la formation des personnes habilitées à effectuer des aspirations endo-trachéales."


Les aides à domicile des adultes font ces gestes. Pourquoi les AESH ne pourraient-elles pas les réaliser, comme cela se pratique d'ailleurs dans d'autres pays développés (voire même ailleurs en France, comme nous l'avons appris d'AESH elles-mêmes, sur un groupe privé Facebook que je recommande fortement à toutes les familles et aux patients, tant il est primordial de connaître exactement nos droits : Info Droit Handicap) ?


Quoiqu'il en soit, cette décision de la MDPH nous oblige à faire venir une infirmière à l'école pour le change (Olivier ne sent pas ses sphincters, il doit donc porter des couches), plus exactement uniquement pour éteindre la pompe et enlever le tuyau du bouton de gastrostomie. C'est-à-dire qu'elle vient à heure fixe. Il doit donc rester dans une couche souillée en dehors de son passage.


Enfin, Olivier a de nombreuses et nécessaires thérapies qui devraient, théoriquement, pouvoir en partie être réalisées à l'école et au domicile (SESSAD). Mais Olivier est sur liste d'attente, depuis maintenant deux ans et je dois donc l'emmener tous les après-midi à ces thérapies (kiné motrice, kiné respiratoire, psychomotricité l'an passé, ergothérapeute depuis quelques semaines, orthophoniste, bientôt psychologue...).


De toute façon, lorsqu'Olivier obtiendra une place, le SESSAD déclinera en partie la prise en charge, au motif que nous habitons trop loin de leur périmètre d'intervention. Se déplacer pour Olivier reviendra à léser d'autres enfants. C'est ainsi qu'on nous présente déjà les choses. Les institutions publiques sont très fortes pour culpabiliser les parents, cela évite de faire ressortir la vraie cause du problème, un manque de personnel, notamment faute de salaires attrayants, d'après ce que je comprends et ce qu'on me dit lors de discussions informelles (j'ajouterai les 35 heures et la forte féminisation de ces emplois, ce qui rend d'ailleurs parfois vraiment admirable le dévouement de beaucoup de ces professionnelles du soin, thérapeutes ou aides). Il faudra donc que je trouve des thérapeutes qui peuvent se déplacer et qui ont les compétences ad hoc (les kinés ne sont pas interchangeables, par exemple. Ils sont nombreux à se spécialiser dans un domaine ou dans un autre).


Pour toutes ces raisons, lorsqu'Olivier parvient à faire une ou deux demi-journées d'école dans la semaine, c'est déjà une bonne semaine. La vérité, c'est qu'il est parfois quasi déscolarisé deux ou trois semaines parce qu'enrhumé... Mais le plus dur, peut-être, ce n'est pas tant la déscolarisation que de le récupérer, mutique, visiblement en colère. Pour finalement avouer, en sanglots, qu'il est triste. Qu'il est triste parce qu'il n'arrive pas à faire ce que les autres font. Olivier est porteur d'une forme très sévère. Sa motricité fine, malgré une prise en charge précoce, nos stimulations et sa détermination ("Allez Olivier, tu peux le faire" s'encourage-t-il parfois à haute voix) est très limitée. Ces moments sont très durs à vivre.


Comment envisagez-vous la scolarisation future d'Olivier ?

Déjà, nous savons exactement ce que nous ne voulons pas et ce qu'on risque pourtant de nous "proposer" (les MDPH, les "professionnels du soin", comme on dit, font des propositions écrites qui peuvent, de fait, être très contraignantes. Le rapport de force -car c'en est souvent un- est évidemment très inégal).


Ce que nous refusons, c'est une orientation vers une institution médicalisée, loin du domicile (il n'y a rien à proximité), qu'on nous "vendra" comme adaptée aux personnes atteintes de déficience motrice mais qui regroupera, en fait, tous ceux dont le quotidien est très médicalisé, qui cumulent fragilité respiratoire, gastrostomie... et, inévitablement, troubles cognitifs plus ou moins sévères... avec, en outre, sous prétexte de les rassembler dans une même salle de "classe", un accompagnement collectif et non pas individualisé... Ce genre d'orientation (sous réserve de places, ce qui est encore une autre histoire !) offre, au mieux, du répit aux familles. En réalité, une culpabilité immense, d'autant qu'il est difficile d'accorder sa confiance lorsqu'on constate que des professionnels du soin et du handicap ne trouvent apparemment pas anormal qu'Olivier puisse rester dans une couche souillée à l'école. Et, plus profondément, aucune perspective d'avenir pour un enfant comme lui.


Or Olivier est intellectuellement vif. Il jouait au mémory à 21 mois, sur une tablette, et avait mis au point une méthode pour trouver toutes les paires le plus rapidement possible ; comptait tout seul jusqu'à 20, sans apprentissage de notre part, plusieurs mois avant d'entrer en petite section. S'il est parvenu à utiliser ses muscles oraux tardivement pour parler, il a des tournures de phrases, des expressions, des réflexions en décalage avec ses 4 ans, ce qui a un petit effet comique qui charme ceux qui le côtoient. Il est "simplement" emmuré dans un corps très fragile.


Une telle orientation reviendrait à vouloir le tuer psychiquement. On sent une vraie gêne, chez certains professionnels du soin, médecins, thérapeutes, face à ce type d'enfant. C'est plus ou moins conscient, mais on sent que son existence est pour certains d'entre eux un problème insoluble. Cacher le "problème" dans une institution, et le "problème" disparaît. Les remarques et les "conseils" donnés nous en apprennent beaucoup sur les propres limites de ces personnes, heureusement peu nombreuses.


Olivier étudiera. D'une manière ou d'une autre. Nous trouverons les bonnes volontés pour nous aider. Pour donner un peu d'elles-mêmes. Il n'ira pas en institution, et, du fait de son jeune âge, il n'est pas question qu'il soit séparé de nous en semaine dans les prochaines années. Et son pronostic ainsi que les alertes que nous avons déjà eu, imposent, précisément, qu'il ait la possibilité de s'épanouir chaque jour. Nous ne savons jamais où il sera la semaine suivante. Ses jours doivent être riches, intellectuellement et spirituellement. A contre-courant de ce monde plat et absurde qu'est le monde réduit au médical.


Séverine et Cédric, parents de Nathanaël

Nathanaël a fait sa première rentrée en septembre, en petite section de maternelle. Comment a été préparée cette rentrée ?

Dès le mois de Janvier, j'avais préparé le dossier MDPH pour demander une AESH individuelle pour l'accompagner dans les gestes de la vie quotidienne (s'habiller, se déplacer, aller aux toilettes) et nous avions été reçus par la Directrice de l'école et l'Enseignant Référent.

Étant atteint d'une forme modérée de la maladie, il progresse lentement mais sûrement : nous n'avions donc à ce moment qu'une vague idée de quelles seraient ses capacités motrices le jour de la rentrée, et de l'équipement qui serait nécessaire.

Nous avons reçu une notification MDPH début juillet (donc après le début des vacances scolaires...) pour un accompagnement avec une AESH mutualisée, sous prétexte que le handicap ne nécessite pas d'accompagnement soutenu et continu : si cela est vrai, il n'en reste pas moins qu'il ne peut pas attendre les heures de présence de l'AESH pour aller aux toilettes ou se déplacer...

Comment s'est passée la rentrée ?

Nathanaël est rentré en Septembre en Petite Section de Maternelle, quelques jours avant ses 3 ans. Nous pensions que l'AESH mutualisée serait là au moins quelques heures, mais personne ne s'est présenté dans la classe pendant les 2 premiers jours. L'Enseignant Référent m'a alors assuré qu'elle serait bientôt là, qu'elle avait commencé par les élèves notifiés dans les classes de primaire.


Seulement une semaine plus tard, toujours personne en vue, et un petit garçon qui refuse d'aller à l'école, dont nous nous demandons bien ce qu'il fait pendant la séance de motricité quotidienne...

J'ai donc dû passer quelques coups de téléphone (4 ou 5h en tout) : au coordinateur du PIAL ainsi qu'à des associations d'aide aux familles. Mon courrier de mise en demeure de respecter la notification était prêt à partir quand nous avons appris que finalement une AESH avait été trouvée comme par magie, pour accompagner Nathanaël les jeudis et vendredis.

Au final, de quel accompagnement bénéficie t'il ?

Tous les matins, nous rentrons dans l'école pour aider Nathanaël à enlever son manteau et son casque que nous accrochons à son porte-manteau.

Les lundis et mardis, c'est l'ATSEM et la maîtresse qui se chargent de l'aider pour les transitions (s'asseoir à une table d'activité, l'emmener et l'installer sur les toilettes, le déshabiller et l'habiller, le réinstaller sur son tricycle pour qu'il puisse se déplacer).

Les jeudis et vendredis, l'AESH est présente, pour l'instant pendant la journée complète (il semblerait que d'autres enfants de la maternelle soient en attente de notification donc à ce moment là son planning sera certainement revu). Il parle beaucoup de son AESH et nous avons le sentiment qu'elle l'aide aussi à ne pas systématiquement se mettre en retrait : il est très conscient de ses limites sur le plan moteur et se renferme sur lui-même quand il voit les autres enfants faire des choses qu'il ne peut pas faire. Elle l'encourage à participer différemment et à s'intégrer.

Pour la cantine, la mairie de notre ville a été parfaite : c'est le responsable de la cantine qui vient chercher Nathanaël dans la classe et qui l'aide à aller jusqu'à la cantine avec son tricycle, et l'installe à table. Si cela n'avait pas été suffisant, la mairie aurait proposé à l'AESH de compléter son contrat avec des heures le midi, ou bien aurait embauché un animateur du périscolaire. Nous avons beaucoup apprécié cette façon de faire "à la carte" et suivant les besoins réels de l'enfant.